Le chouchen, cet hydromel breton

Le chouchen est la boisson typiquement bretonne. Son ancrage est tellement fort en Bretagne qu’on entend souvent le cliché suivant : “Tous les bretons boivent du chouchen depuis leur plus jeune âge”.

Les origines du chouchen traditionnel

Historiquement, le chouchen arrive en Armorique par les peuples Celtes. « Chouchen » en français ou « Chouchenn » en breton, il est la traduction littérale du mot « hydromel ».

Produit à l’origine par les grecs et les romains, celui-ci n’était constitué que de miel fermenté dans de l’eau grâce à des levures. Au fil du temps et du fait des conditions locales (notamment de l’omniprésence de la pomme) certains producteurs bretons n’ont pas hésité à modifier la recette originale.

On peut désormais voir le mot chouchen désigner des boissons qui ne correspondent pas à la composition réglementaire de l’hydromel.

Des particularités bretonnes

Marquée par l’héritage celte, la recette bretonne a donc eu la particularité d’utiliser du cidre ou du jus de pomme à la place de l’eau. En effet, la Bretagne est une région dans laquelle la culture de la pomme est ancestrale. Il certains producteurs ont alors tenté d’utiliser ce fruit dans le but d’accélérer la fermentation ou dans une volonté simplement gustative.

Chacun adaptant sa recette à sa guise, différentes variétés de boissons ont vu le jour. L’utilisation de substrat à base de pomme fait encore débat à ce jour et pourrait notamment empêcher un chouchen d’arborer l’appellation d’hydromel.

Sans pour autant remettre en cause son appartenance à la famille des hydromels, le chouchen dispose d’un argument sans appel pour créer une réelle authenticité. L’on peut en effet aussi bien retrouver un miel toutes fleurs qu’un miel spécifique dans les ingrédients d’un hydromel. Alors que le chouchen original, lui, a la particularité de favoriser un miel de sarrasin (aussi appelé « blé noir”). Cette plante représente l’une des principales culture bretonnes d’époque. Elle a donc été la source d’une bonne partie de la production de miel breton, offrant par au chouchen une robe aux reflets sombres.

Miel utilisé pour la composition du chouchen

Le chouchen moderne

Sans identifier précisément à quel moment le changement eu lieu, nous constatons qu’à partir de la moitié du XXème siècle de plus en plus de producteurs bretons de chouchen se sont affranchis d’excentricités en terme de recette de chouchen.

De plus en plus, le produit qui porte précisément le nom chouchen et qui se contente d’être un hydromel que l’on fermente en Bretagne, a clairement pris le parti d’abandonner toute composition à base de jus de pomme ou de cidre pour céder sa place à une simple eau de source.

Les chouchens dérivés ou fructimels

Ceux qui désiraient malgré tout faire perdurer l’arôme de pomme distinguaient alors leur produit en utilisant des appellations locales : chamillard ou chuféré (pour ne citer qu’eux).

Certains chouchen sont composés de moût de pomme ou de cidre
Certains chouchen sont composés de moût de pomme ou de cidre

Pour expliquer ce phénomène, on peut noter le 2 mai 1911 la publication d’un un décret relatif à l’appellation d’hydromel. Il indique que dorénavant, une boisson ne pourra être vendue sous le nom d’hydromel si elle ne provient exclusivement de la fermentation d’une solution de miel dans l’eau potable.

Il est probable que le nom d’hydromel, pouvant faciliter l’accès à une clientèle moins avertie, ait convaincu certains producteurs de revoir leurs recettes traditionnelles en remplaçant le cidre ou le jus de pomme par de l’eau.

De quand date le nom chouchen ?

Il est probablement assez réducteur d’assimiler les différentes variantes d’hydromels breton ou de boissons s’en approchant au seul nom de chouchen. Le terme “chouchen” est finalement assez récent, il est devenu le terme générique pour désigner l’ensemble de boissons bretonnes à base de miel fermenté qui possèdent pourtant de nombreux noms selon leur région.

La première fois que cette appellation apparaît, c’est dans la revue L’Union Agricole du Finistère du 15 novembre 1895, on utilise alors encore l’orthographe “Souchen” et la boisson se présente comme une hydromel.

Ce serait donc à Rosporden que le nom “chouchen” aurait fait sa première apparition et c’est un certain M. Le Moal qui le vendait en tant que remède contre l’influenza (la grippe).

Première apparition de la notion de Souchen (chouchen) dans le Journal de L’Union Agricole du Finistère du 15 novembre 1895
Extrait de la revue Journal de L’Union Agricole du Finistère du 15 novembre 1895

Rosporden – M. Le Moal, négociant en notre ville, vient de livrer à la consommation sa précieuse liqueur, l’hydromel, dit Souchen, infaillible contre l’influenza. Avis aux personnes soucieuses de leur santé.

Ailleurs en Bretagne, le chouchen portait alors des noms variés qui dépendaient de la localisation géographique, mais également des quelques variantes qui pouvaient exister dans le processus de fabrication ou les ingrédients utilisés. Nous pouvons encore retrouver de très nombreux noms dont notamment : Chamillard, Mez, Dourvel, Chuféré.

Finalement, c’est en 1920, toujours à Rosporden, qu’un producteur local dépose le nom de “chouchen” en temps qu’appellation, Monsieur Joseph Postic. Le succès est rapidement au rendez-vous et la production locale de chouchen devient semi-industrielle. En 1961, Pierre-Jakez Hélias, le célèbre journaliste et écrivain breton, attribuera même à Rosporden le titre de “Capitale du chouchen”.

Rosporden est la capitale du chouchen
Rosporden s’est vue attribuer le titre de capitale du chouchen par Pierre-Jakez Hélias

Le chouchen aujourd’hui

De nos jours le chouchen est sans aucun doute l’un des produits phare de la Bretagne. Au même titre que le kouign amann ou le far breton, il représente l’une des expériences culinaires que les touristes viennent chercher en Bretagne.

Situé entre le cidre et le lambig en terme alcoométrique, il offre une véritable alternative à ces deux breuvages à qui souhaite vivre une expérience gustative sucrée sans pour autant impacter la silhouette de celui qui le boit. Après tout, l’hydromel n’est-il pas la boisson des dieux ?

Sources